Bonjour monsieur Dorin, merci d’avoir accepté cette interview pour Blue Europe. Pourriez-vous vous présenter et expliquer en quoi consiste l’association Bretagne Pologne ?
Je suis d’origine polonaise par ma mère, donc je connais la Pologne depuis très longtemps. J’avais 9 quand ans quand j’y suis allé pour la première fois. Par contre, je comprends le polonais mais je ne parle qu’assez peu. Tout simplement parce que je suis d’une génération où il fallait parler français en France. Les polaks, les ritals, les portugais sont un peu comme nos amis du Maghreb aujourd’hui, les gens étaient différents donc surtout il fallait qu’on ne les voie pas dans la population, il fallait parler français. Ma mère ne m’a jamais appris le polonais, c’est dommage mais c’est comme ça. Première chose.
Après j’ai toujours eu des relations avec la Pologne dans ma carrière professionnelle. En 89, au moment de la chute du mur je suis rentré en contact avec notamment Pierre Méhaignerie, à l’époque ministre et président du Conseil Général. En lui proposant de voir ensemble ce que l’on pourrait faire. Puisque je savais qu’il était en proximité avec la Pologne, qu’il avait envie de faire des choses avec la Pologne. C’est comme ça qu’est né l’association Bretagne Pologne qui à l’époque s’appelait Ille-et-Vilaine Pologne. Il a été le premier président, je suis devenu président après lui, puis j’ai fait une période blanche dû à mes activités professionnelles et je suis revenu en tant que président. Maintenant je ne suis plus président de nouveau.
On a démarré cette association en 89. En même temps j’ai créé en Pologne une filiale qui s’occupait du conseil en relations internationales pour faciliter les implantations d’entreprises françaises en Pologne puis après le recrutement de personnels polonais sur place.
Dans les années 98/99, l’ambassadeur s’est rapproché de moi et m’a demandé si je souhaitais devenir consul honoraire de Pologne ici en Bretagne.
Voilà les grandes étapes très rapidement. Je suis d’ascendance polonaise, en 57 j’ai vu la Pologne. J’ai vécu la Pologne du temps des communistes, je sais ce que c’est. Et donc après en 89 il y a eu la création de Bretagne Pologne et en 98 ma nomination en tant que consul honoraire.
Voila pour moi.
Après Bretagne Pologne ou Ille-et-Vilaine Pologne a été créée pour développer les liens entre la Bretagne et la Pologne. J’ai fait à Pierre Méhaignerie une présentation de deux ou trois endroits où il était allé en lui disant que je choisirais la Wielkopolska et sa capitale Poznan. Pour des raisons très pratiques, c’était à l’époque et ça l’est toujours, une région parmi les plus riches de Pologne. Très fortement industrialisée, très fortement spécialisée dans les télécoms comme l’est Rennes. Avec une très grande université comme Rennes pouvait avoir. C’est comme ça que ça a démarré.
Nous avons mis en route un certain nombre de jumelages, de rencontres entre communes bretonnes et communes de Wielkopolska. Il reste aujourd’hui encore une quinzaine de jumelages franco-polonais sur le département d’Ille-et-Vilaine.
Bretagne Pologne a eu, grâce au Conseil général et à Pierre Méhaignerie des moyens financiers et logistiques pour développer plein de choses. Contacts de lycées, collèges, entre communes. Derrière sont venus s’inscrire des jumelages et coopérations entre différentes chambres consulaires, chambre de commerce et d’industrie, chambre d’agriculture. C’est maintenant en sourdine, la Pologne est rentrée dans l’UE. Les gens font les relations qu’ils souhaitent. Disons que c’était l’impulsion. Aujourd’hui Bretagne Pologne a comme fonction essentielle de mettre en relation et faire travailler ensemble les comités de jumelage en Ille-et-Vilaine, avec l’appui de la maison de la Bretagne à Poznan.
La maison de la Bretagne à Poznan a été créée en 1993, sous l’impulsion toujours du Conseil général, avec l’objectif de développer des liens culturels, moins commerciaux, plus culturels et personnels de façon à ce que les Polonais se sentent en proximité avec notre région. Donc la région Bretagne est bien connue de nos amis Polonais de la voïvodie de Wielkopolska, et ça continue. Il y a la tête de la maison de la bretagne une jeune personne, Elżbieta Sokołowska. Elle est présente depuis pratiquement le début. Auparavant adjointe et maintenant directrice de la maison de la Bretagne. Elle fait des choses remarquables sur place. Cours de langue, cours de danse, spectacles, conférences, bibliothèque. Ça fonctionne bien, en ce moment c’est un peu gêné par la question du covid. C’est vraiment le drapeau de la Bretagne en Pologne.
Qu’est ce qui vous a poussé exactement à vous orienter vers la Pologne au début des années 90 ?
J’ai toujours été orienté vers la Pologne. J’allais en Pologne à partir de l’année 57, une fois tous les deux ans. On allait voir la famille. Quand j’ai fait mes études, j’ai fait l’ESCP à Paris, j’ai fait un mémoire sur les relations commerciales franco polonaises, c’était en 1968/1969, c’est très vieux.
Après je suis devenu directeur général d’une PME ici en Ille-et-Vilaine et j’ai essayé de voir comment on pouvait acheter des produits sidérurgiques en Pologne. J’ai toujours eu ce lien avec la Pologne. Jusqu’au moment où j’ai créé ma société, et dans ma société j’ai créé ce qui était à ce moment là un bureau puis qui est devenu par la suite une filiale en Pologne. Ce sont mes origines et ma connaissance de la Pologne qui ont fait que j’ai continué. Je n’ai rien choisi, j’ai simplement continué.
Je voudrais revenir sur votre rôle de consul honoraire de Pologne en France. En quoi consiste exactement votre rôle ?
Un Consul honoraire est une personne qui n’est pas un fonctionnaire du pays qu’il représente mais une personne X, pas obligatoirement d’origine polonaise mais qui a montré un certain attachement et une certaine volonté de développer la connaissance de la Pologne sur place. S’il y a un consulat honoraire de Pologne à Rennes c’est parce que c’était moi.
Que fait le Consul honoraire de Pologne ? il faut savoir que chaque pays a une organisation qui peut être différente. Je parle spécifiquement de la Pologne. Le consul honoraire n’a pas de pouvoirs particuliers, je ne fais aucun document administratif. Des consulats participent à l’élaboration des cartes d’identités, passeports, moi rien du tout. Mon rôle est un rôle de représentation ici. Donc dans ce cadre je facilite, développe et encourage tous les liens qui peuvent exister ou se développer entre la Pologne et la France.
On organise, pour des questions consulaires, des permanences, avec un consul général qui vient de Paris. Il fait de la documentation administrative à Rennes. J’organise simplement. J’ai participé aussi, il y a deux ans, à l’organisation des élections législatives avec la création d’un bureau de vote ici à Rennes. C’est pareil, j’ai facilité, trouvé l’endroit, organisé mais ce n’est pas moi qui étais présent pour la réalisation de ces élections. Un représentant de l’ambassade est venu, avec des polonais nationaux présents à Rennes. J’entretiens les relations avec les maires, la préfecture, le Conseil régional, conseil départemental, toutes les organisations politiques, collectivité territoriale quand le besoin s’en fait sentir.
Actuellement, quelle est la dynamique entre l’Ille-et-Vilaine et la Wielkopolska ?
Il y a eu un engouement très fort dans les années 90, 95, 98. C’était le grand démarrage, avec notamment l’appui très fort de Ouest France, son président François Régis Hutin que j’ai bien connu ont fait beaucoup de choses pour le développement de ces relations entre la Bretagne et la Pologne. Tout simplement en faisant un grand nombre d’articles, en allant lui-même sur place en Pologne. En organisant des transports de camions avec tout un tas de choses, médicaments, vêtements, matériel typographique etc. Avant 89 et aussi après 89. C’était cet engouement qui a eu lieu.
Après, la Pologne entrant dans l’UE, n’étant plus un pays exotique, étant un pays dont on disait qu’il avait moins de besoins, on est rentré dans des relations plus courantes. Auparavant, si vous voulez, on faisait une bonne action. Les relations se sont maintenues, et là Bretagne Pologne fait bien son travail.
Je ne suis plus président mais je suis toujours membre du Conseil d’Administration, je vois faire. L’idée est de faire ensemble. Les comités de jumelages ont quelque part un souci, ils sont en règle générale gérés par des gens qui ont des cheveux blancs. C’est un problème, il faut qu’il y ait une transmission, des gens qui aient envie de reprendre. C’est compliqué, d’autant plus que les jeunes comme vous, aujourd’hui, quand on leur parle d’aller à l’étranger ils citent les Etats-Unis, l’Australie, des pays un peu exotiques.
La Pologne n’est plus exotique du tout, c’est plus grave. Premièrement ce n’est plus exotique du tout. Secondement, ce n’est pas un pays avec une langue facile à apprendre, un pays de 38 millions d’habitants, pas très gros, qu’est ce qui peut m’attirer là-bas ? Il y a tout ce contexte qui fait qu’il faut continuer à travailler.
L’idée de Bretagne Pologne est de contribuer à sa manière au développement de l’esprit européen. Il faut que vous sachiez qu’à côté de Bretagne Pologne, je suis maintenant co-président de la maison de l’Europe à Rennes. Pour moi c’est une continuation ayant connu la Pologne à l’est quand j’habitais à l’ouest c’était pour moi une évidence qu’il n’y avait pas de différences entre un Polonais et un Français. Il fallait que la Pologne un jour arrive au sein de l’UE. Même si aujourd’hui il y a quelques soucis avec le gouvernement polonais dont on ne parle pas forcément en bonnes manières, ça changera car les Polonais sont beaucoup plus europhiles que les Français.
Comment envisagez vous l’évolution des relations entre la Bretagne et la Wielkopolska ? Au niveau culturel, politique, économique.
Pour moi ça va continuer. Premièrement, la région bretagne a signé une charte de coopération avec la région Wielkopolska. Il faut voir comment ça a été structuré au début. La région travaille avec la voïvodie, la ville de Poznan est jumelée avec la ville de Rennes. Les communes du département sont jumelées avec des communes de la voïvodie et des communes autour de Poznan. Quand tout cela a démarré la Pologne était divisée en 49 voïvodies, maintenant je crois qu’il y en a 19. Le département d’Ille-et-Vilaine était en relation avec ce qui était l’ancienne voïvodies de Poznan et les villes autour.
Sur le plan politique, la seule chose que je puisse dire c’est que ces liens existent et qu’ils ont été retranscris dans des chartes de jumelages, contrats de coopération. La région Bretagne n’a que une ou deux coopérations avec des régions dans des pays étrangers, dont la voïvodie de Wielkopolska.
Sur le plan culturel, ce sont les comités de jumelages et la maison de la Bretagne en Pologne. Nous n’avons pas l’équivalent de la maison de la Bretagne ici à Rennes. La Maison de la bretagne est une entité présente en Pologne, c’est elle qui fait beaucoup sur le plan culturel pour faire connaître la culture bretonne à nos amis polonais. Ça continue
Sur le plan économique, je sais que c’est un dada de Pierre Méhaignerie qui disait « mais monsieur Dorin, est-ce que des entreprises d’Ille-et-Vilaine sont en lien avec des entreprises autour de Poznan ». Je lui répondais que le problème n’est pas ça, le problème c’est qu’une entreprise présente en Ille-et-Vilaine peut travailler avec n’importe quelle entreprise présente en Pologne. De la même manière une entreprise présente à Poznan peut vouloir travailler avec n’importe quelle entreprise présente en France. On ne peut pas travailler de département à département. Donc sur le plan économique, il y a un certain nombre de groupes, d’entreprises présentes en Pologne, qui ont créé des filiales, qui travaillent avec des sous-traitants voir vendent en Pologne. Ça continue de se développer gentiment.
Corentin Parisot