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Vous pouvez lire ici notre vision générale du secteur agricole en Pologne.

En quête de résilience agricole

La production agricole est intrinsèquement instable en raison des fluctuations du marché, de la dépendance à l’égard des ressources naturelles et des conditions climatiques. Des facteurs tels que les insectes nuisibles, les parasites des plantes, les conditions météorologiques défavorables ou les graves déséquilibres du marché peuvent entraîner des mauvaises récoltes et d’importantes perturbations du marché. Cela nécessite une intervention rapide et ciblée des pouvoirs publics, en particulier lors des crises du marché, afin de prévenir ou d’atténuer les dommages substantiels subis par les producteurs de denrées alimentaires et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement.

Au cours de la dernière décennie, le secteur agricole de l’UE a été confronté à plusieurs défis, notamment la pandémie de COVID-19, le conflit en Ukraine, les maladies animales, les perturbations du marché et les phénomènes météorologiques extrêmes. Ces incidents, souvent imprévisibles et multiformes, exigent des réponses immédiates et ciblées.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a souligné l’importance pour les pays, en particulier ceux qui dépendent des importations alimentaires en provenance d’Ukraine et de Russie, de diversifier leurs approvisionnements alimentaires[1], une stratégie essentielle pour résister aux chocs induits par les conflits et maintenir la résilience de la sécurité alimentaire. La diversification peut être réalisée par différents moyens tels que l’utilisation des stocks alimentaires existants, le recours à d’autres pays exportateurs ou l’expansion des bases de production nationales. En outre, l’amélioration du débat politique et de la transparence du marché est essentielle pour gérer la volatilité des marchés des matières premières agricoles.

La Fondation européenne pour le climat a souligné que la crise actuelle rappelle la nécessité de passer d’un système alimentaire fortement concentré[2] à un système où les produits alimentaires essentiels sont produits par un nombre limité de pays ou de régions, et qui est vulnérable aux perturbations. La réduction de la dépendance à l’égard des intrants chimiques, en particulier des engrais dérivés des combustibles fossiles, est également un aspect essentiel de cette transition. La fondation plaide pour une approche plus diversifiée et durable de la production alimentaire.

Lors de la deuxième réunion du groupe d’experts sur le mécanisme européen de préparation et de réaction aux crises de sécurité alimentaire[3], un rappel critique a été fait sur la situation précaire qui prévalait avant la guerre, notamment en ce qui concerne l’impact des coûts énergétiques record sur la chaîne d’approvisionnement alimentaire. La hausse des prix de l’énergie a affecté tous les segments de la chaîne, certains types d’exploitations agricoles devant faire face à des dépenses plus élevées en raison des coûts de l’énergie et des engrais. Les pêcheurs, en particulier, sont plus dépendants des dépenses énergétiques directes que les agriculteurs.

La guerre en cours a encore exacerbé ces défis, entraînant une augmentation significative du coût des engrais et d’autres produits à forte consommation d’énergie. Cette hausse du coût des intrants devrait entraîner une augmentation substantielle des dépenses de fabrication, ce qui se traduirait par une hausse des prix des denrées alimentaires. L’augmentation des coûts liés à l’énergie et aux engrais fait peser une charge financière importante sur le secteur agricole. Cette situation exige une réponse stratégique pour gérer la hausse des coûts de production tout en garantissant la durabilité des chaînes d’approvisionnement alimentaire. L’attention portée par l’Union européenne à ces défis souligne la nécessité de coordonner les efforts pour atténuer l’impact sur les prix des denrées alimentaires et maintenir la sécurité alimentaire.

Aide de la Commission européenne aux agriculteurs

Le 23 janvier 2024, la Commission européenne a publié un rapport détaillé sur la mise en œuvre des mesures de crise visant à soutenir l’industrie agroalimentaire au sein de l’Union européenne[4]. S’étendant du 1er janvier 2014 à la fin de l’année 2023, le rapport souligne l’efficacité de l’Organisation commune des marchés (OCM) et son rôle dans la récente réforme de la Politique agricole commune (PAC).

La Commission européenne s’est montrée proactive dans l’aide apportée aux agriculteurs de l’UE, en mettant en œuvre 63 mesures extraordinaires entre 2014 et 2023. Ces mesures, soutenues par près de 2,5 milliards d’euros de subventions européennes, ont renforcé l’engagement de l’UE envers son secteur agricole. Ces mesures comprenaient un soutien financier aux producteurs touchés par la guerre en Ukraine (500 millions d’euros en mars 2022), des efforts de stabilisation du marché laitier, des interventions sectorielles en réponse au COVID-19 et à d’autres déséquilibres du marché, et un soutien aux agriculteurs touchés par le conflit en Ukraine (156 millions d’euros pour les agriculteurs de Bulgarie, de Hongrie, de Pologne, de Roumanie et de Slovaquie) et par les épidémies de grippe aviaire.

Les mesures exceptionnelles mises en œuvre visaient principalement à soutenir les agriculteurs confrontés à des perturbations du marché ou à des problèmes sanitaires concernant les animaux et les végétaux. Elles ont également permis d’atténuer l’impact économique des conditions météorologiques défavorables. Le rapport souligne l’importance de ces mesures en tant que symbole de la solidarité de l’UE, mais aussi la nécessité pour les agriculteurs de s’engager dans des pratiques de gestion des risques et des méthodes d’agriculture durable.

L’OCM et la PAC

L’organisation commune des marchés, telle qu’établie par le règlement de base (UE) n° 1308/2013, jette les bases des mesures de marché dans le cadre de la politique agricole commune. Les articles 219 à 222 du règlement OCM prévoient des actions extraordinaires dans des scénarios de crise ou pour prévenir des perturbations du marché. Ces dispositions habilitent la Commission à mettre en œuvre des mesures alignées sur les besoins du marché, à traiter les incidences des mesures sanitaires sur le marché, à résoudre des problèmes spécifiques afin de prévenir une dégradation des conditions du marché et à soutenir les décisions prises par les agriculteurs et leurs organisations en cas de déséquilibres graves du marché.

Dans le cadre de la PAC actuelle, une réserve agricole dotée d’un montant minimum de 450 millions d’euros par an finance ces mesures extraordinaires. La Commission est chargée de faire rapport tous les trois ans au Parlement européen et au Conseil sur la mise en œuvre des mesures de crise. Le présent rapport répond à la première exigence de la dernière réforme de la PAC, couvrant l’utilisation de ces mesures de 2014 à la fin de 2023.

Le secteur agroalimentaire polonais et le plan de la PAC soutenu par l’UE

En Pologne, le secteur agroalimentaire est une composante essentielle de l’économie nationale, jouant un rôle significatif tant sur le plan économique qu’environnemental. L’agriculture contribue de manière significative à la valeur ajoutée brute, dépassant la moyenne de l’UE et avec une valeur d’exportation d’environ 47,6 milliards d’euros. Le secteur couvre environ la moitié de la superficie de la Pologne, ce qui souligne son importance sociale et environnementale.

Plan stratégique de la Pologne pour la PAC 2023-2027

La proposition initiale de plan stratégique pour la PAC a été présentée par la Pologne le 22 décembre 2021, après consultation des parties prenantes. La Pologne a présenté une nouvelle proposition le 15 juillet 2022, qui comprenait des réponses aux critiques de la Commission concernant le projet initial. Cette proposition a été approuvée par la Commission le 31 août 2022. Le 30 août 2023, la Commission a approuvé la demande de modification suivante de la Pologne.

Le plan stratégique de la Pologne pour 2023-2027 se concentre sur divers domaines clés pour soutenir et renforcer le secteur agricole[5], notamment l’amélioration des conditions de vie et de travail dans les zones rurales, la promotion du développement durable dans les secteurs de l’agriculture et de la transformation, et le soutien à l’agriculture locale. L’accent est également mis sur la production et la consommation d’énergie durable, la préservation de la biodiversité et la protection des ressources naturelles telles que l’air, l’eau et le sol. Le bien-être des animaux est un autre aspect essentiel de ce plan stratégique. Le tableau 1 ci-dessous détaille les aspects financiers de la PAC polonaise 2023-2027, la contribution de l’UE est notable en proportion.

Tableau 1. Détails financiers du plan stratégique polonais pour la PAC 2023-2027

Budget de l’UE Financement national Financement total
Paiements directs 17,326,739,610 € n.d 17,326,739,610 €
Soutien sectoriel 71,752,284 € 25,124,840 € 96,877,124 €
Développement rural4,700,585,847 € 3,067,167,462 € 7,767,753,309 €
Total des dépenses 22,099,077,741 € 3,092,292,302 € 25,191,370,043 €

Des objectifs écologiques et durables

Le prochain plan stratégique de la PAC met l’accent sur la protection des puits de carbone, en particulier les tourbières et les zones humides. Il prévoit des réglementations strictes concernant l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires à proximité des cours d’eau et impose des pratiques de gestion des sols pour prévenir l’érosion. En outre, 4 % des terres arables des exploitations agricoles doivent être mises de côté en tant que zones non productives afin de contribuer à la préservation et à la réhabilitation de la biodiversité.

La Pologne a pour objectif d’accroître considérablement l’agriculture biologique d’ici à 2030. Les éco-régimes encourageront les agriculteurs à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement, favorisant ainsi la transition vers des méthodes agricoles plus durables. Les agriculteurs participant à ces programmes recevront des incitations, y compris des paiements directs, pour l’adoption de techniques de préservation des sols et de production durable.

La mise en place d’un environnement durable dans l’agriculture présente plusieurs défis. Il s’agit notamment de l’épuisement des ressources en eau dû à l’augmentation des déficits de précipitations, de l’aridité des sols, de la protection insuffisante des zones humides, de la limitation des zones d’agriculture biologique, du déclin de la biodiversité et de l’état médiocre des habitats naturels. Il est essentiel de s’attaquer à ces problèmes pour assurer un développement agricole durable.

Autres politiques clés pour l’eau et l’agriculture en Pologne

La législation de l’Union européenne établit un cadre réglementaire qui garantit la protection des masses d’eau dans tous les États membres et traite des causes particulières de pollution, telles que la contamination agricole. La directive-cadre sur l’eau (DCE) (2000/60/CE), la directive sur les nitrates (91/676/CEE) et la directive sur les inondations (2007/60/CE) sont les trois principales directives en question.

La loi sur l’eau de 2017 a mis en œuvre une nouvelle stratégie pour atténuer la contamination de l’eau résultant des nitrates agricoles ou de leurs sous-produits[6] L’ordonnance du Conseil des ministres datée du 5 juin 2018 concernant l’adoption du “Programme d’action pour la réduction de la pollution de l’eau causée par les nitrates provenant de sources agricoles et la prévention de toute pollution supplémentaire” (Programme sur les nitrates) a également élargi le champ d’application du Programme d’action sur les nitrates (PAN) pour inclure la pollution de l’eau liée aux nitrates. Le règlement est applicable à tous les agriculteurs polonais. Pour réduire le risque de fuite de nitrates dans l’eau, le programme de développement rural a renforcé son aide à la construction d’installations de stockage du fumier dans l’ensemble du pays, qui a été désigné comme “zone vulnérable aux nitrates” De nouvelles définitions des services de l’eau, y compris les prélèvements d’eau à des fins agricoles, ont été mises en œuvre par la loi sur l’eau[7]; en outre, une redevance variable a été mise en place pour les prélèvements d’eau utilisés pour le bétail et la consommation humaine, ainsi que pour l’agriculture et l’irrigation des terres.

En outre, un nouveau cadre institutionnel a été mis en place pour les entités chargées de l’administration de l’eau : La nouvelle organisation se compose d’une société nationale de gestion des eaux, “Eaux polonaises”, de onze unités régionales et de cinquante unités de bassin fluvial, ainsi que de 330 services d’inspection des eaux. Les Eaux polonaises sont opérationnelles et chargées de la gestion de l’eau depuis 2018[8]

Stratégie pour le développement rural durable, l’agriculture et la pêche 2030

Le gouvernement polonais a adopté en 2019 la “Stratégie pour le développement rural durable, l’agriculture et la pêche 2030” (SRDAF 2030)[9], qui définit la politique agricole de la Pologne et ses efforts en matière de développement rural pour la période allant de 2020 à 2030. Il s’agit à la fois d’un prédécesseur et d’une stratégie parallèle au plan stratégique de la PAC examiné précédemment.

Le SRDAF 2030 vise principalement à maintenir le principe selon lequel les exploitations familiales sont au cœur de l’agriculture polonaise. Il s’attache également à favoriser le développement durable des exploitations de toutes tailles, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. L’accent est mis sur l’augmentation du potentiel du secteur agricole et alimentaire par l’intégration de technologies de production avancées et de solutions numériques. Cette stratégie vise également à créer un environnement propice au développement de produits innovants et à l’amélioration des nouvelles aptitudes et compétences des personnes employées dans l’agriculture.

Un autre objectif clé du SRDAF 2030 est de stimuler la compétitivité mondiale de l’alimentation et de l’agriculture polonaises. Il s’agit d’adapter les produits agricoles et alimentaires à l’évolution des tendances de consommation, telles que l’intérêt croissant pour les aliments biologiques. La stratégie se concentre également sur la conduite de l’agriculture et de la pêche dans le respect des principes de protection de l’environnement. Il s’agit notamment de s’adapter au changement climatique, en mettant l’accent sur la conservation de l’eau.

Enfin, le SRDAF 2030 envisage le développement des zones rurales en collaboration avec les centres urbains, dans le but d’équilibrer la croissance économique. Cette approche garantit que les villageois ont accès à des emplois décents tandis que les citadins peuvent bénéficier d’une alimentation polonaise saine. En outre, la stratégie cherche à créer des conditions qui favorisent la mobilité professionnelle des personnes vivant en milieu rural, en leur offrant la possibilité d’adapter leurs qualifications professionnelles à de nouveaux secteurs économiques, tels que la bioéconomie.

Conclusion

Le paysage de l’agriculture en Pologne et dans l’Union européenne au sens large traverse une période de transformations et de défis importants. Sous l’effet de facteurs externes tels que les fluctuations du marché, le changement climatique et les tensions internationales, le secteur agricole est confronté à la tâche ardue de maintenir sa stabilité et sa résilience. La Commission européenne a souligné l’efficacité des mesures mises en œuvre pour soutenir l’industrie agroalimentaire, reflétant ainsi son engagement à aider les agriculteurs et les producteurs face à ces défis.

Les défis posés par l’augmentation des coûts de l’énergie et des engrais, exacerbés par les conflits géopolitiques en cours, soulignent encore davantage la nécessité d’approches macro stratégiques pour gérer les coûts de production et assurer la durabilité des chaînes d’approvisionnement alimentaire. Ces défis, bien que redoutables, offrent également des possibilités d’innovation et d’adaptation, ouvrant la voie à un avenir agricole plus résilient et plus durable.

La voie à suivre nécessitera de l’adaptabilité, de la collaboration et un engagement ferme en faveur des pratiques durables, afin que le secteur agricole reste une pierre angulaire de la stabilité économique et de la gestion de l’environnement en Pologne, dans l’UE et au-delà.

Références de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture

  1. Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, “L’importance de l’Ukraine et de la Fédération de Russie pour les marchés agricoles mondiaux et les risques associés au conflit actuel”, note d’information (FAO, 2022), https://www.fao.org/fileadmin/user_upload/faoweb/2022/Info-Note-Ukraine-Russian-Federation.pdf.

  2. European Climate Foundation, ‘Annual Report 2022 : Advancing Climate Action for a Green, Democratic and Peaceful Europe’ (ECF, 18 septembre 2023), https://europeanclimate.org/resources/ecf-annual-report-2022/.

  3. Commission européenne, ” 2e réunion ad hoc du groupe d’experts sur le mécanisme européen de préparation et de réaction aux crises de sécurité alimentaire “, Registre des groupes d’experts de la Commission et autres entités similaires, 4 mai 2022, https://ec.europa.eu/transparency/expert-groups-register/screen/meetings/consult?lang=en&meetingId=41114&fromExpertGroups=3829.

  4. Commission européenne, “L’utilisation des mesures de crise adoptées conformément aux articles 219 à 222 du règlement OCM” (Bruxelles : UE, 22 janvier 2024), https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM:2024:12:FIN&qid=1705922493366.

  5. Ministerstwo Rolnictwa i Rozwoju Wsi, ” Plan Strategiczny dla Wspólnej Polityki Rolnej na lata 2023-2027 (PS WPR 2023-2027) “, Portal Gov.pl, consulté le 26 janvier 2024, https://www.gov.pl/web/rolnictwo/plan-strategiczny-dla-wspolnej-polityki-rolnej-na-lata-2023-27.

  6. Edward Pierzgalski, ” Nouvelle loi sur l’eau en Pologne – changements et dilemmes “, EU Agrarian Law 7 (1er juin 2018) : 17–22, https://doi.org/10.2478/eual-2018-0004.

  7. Pierzgalski.

  8. Projet de gestion des crues de l’Odra Vistule, ” L’eau d’État détenant les eaux polonaises “, ODRAPCU (blog), 22 avril 2021, https://odrapcu.pl/en/the-state-water-holding-polish-waters/.

  9. Ministerstwo Rolnictwa i Rozwoju Wsi, ‘Strategia Zrównoważonego Rozwoju Wsi Rolnictwa i Rybactwa 2030’, 15 octobre 2019, https://www.gov.pl/web/rolnictwo/dokumenty-analizy-szrwrir-2030.

Pawel Morisson de la Bassetière

Paweł M. de la Bassetière est spécialisé dans les cycles économiques et l'économie entrepreneuriale : il est diplômé en économie, finance et commerce international de l'Université de Poznan. Il travaille actuellement comme consultant en technologie spécialisé dans la transformation numérique et agile pour une société mondiale de services professionnels. Son travail l'amène à échanger presque quotidiennement en polonais, anglais, français, portugais, italien et russe. Il dirige le comité d'experts de Blue Europe sur la Pologne et l'Europe centrale.

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