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La Roumanie connaît une expansion significative de l’énergie solaire dans le cadre plus large de sa transition énergétique, soutenue par des financements européens et des réformes juridiques. Cet essor a suscité des investissements dans tous les domaines, depuis les ménages individuels en tant que prosommateurs jusqu’aux installations à l’échelle des services publics, les collectivités locales apparaissant comme un segment important pour le développement jusqu’au niveau du comté. Outre l’énergie solaire, certaines localités explorent les perspectives de l’énergie géothermique.

Tendances de l’énergie solaire en Europe

La capacité solaire cumulée au sein de l’Union européenne (UE) a atteint 263 gigawatts (GW) en 2023, marquant une augmentation de 27 % par rapport au total de 207 GW de l’année précédente, selon les données fournies dans le rapport European Market Outlook for Solar Power 2023-2027 de SolarPower Europe[1]. Cette croissance substantielle est attribuée principalement aux effets résiduels de la crise énergétique et à un arriéré d’installations à partir de 2022, l’activité s’atténuant vers la fin de l’année. Le rapport prévoit un ralentissement du taux de croissance à 11 % en 2024, anticipant un ajout de 62 GW de nouvelle capacité d’énergie solaire à travers l’Europe.

L’année 2023 a vu l’ajout de 55,9 GW de nouvelle capacité solaire, ce qui a permis à près de 17 millions de ménages européens supplémentaires d’utiliser l’énergie solaire. Cette expansion a presque atteint l’objectif de 60 GW d’installations annuelles fixé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour contrebalancer l’arrêt progressif des importations de gaz russe.

Malgré ces installations record, SolarPower Europe souligne que le rythme actuel d’adoption de l’énergie solaire doit s’accélérer pour atteindre le taux d’installation annuel moyen de 70 GW nécessaire pour atteindre les objectifs de l’UE en matière d’énergie solaire à l’horizon 2030. Walburga Hemetsberger, PDG de SolarPower Europe, insiste sur la nécessité impérieuse d’un soutien et d’une action politiques continus, mettant en garde contre toute complaisance à mesure que la décennie avance.

Dans la répartition par pays des ajouts de capacité solaire depuis le début de l’année 2023, l’Allemagne est en tête des nations européennes avec une installation de 14,1 GW de nouvelle capacité solaire. L’Espagne suit avec 8,2 GW, l’Italie (4,8 GW), la Pologne (4,6 GW) et les Pays-Bas (4,1 GW) complétant les cinq premiers contributeurs. Cette répartition met en évidence les progrès inégaux mais significatifs réalisés à travers le continent dans l’exploitation de l’énergie solaire, reflétant un mouvement collectif vers les sources d’énergie renouvelables et un avenir énergétique plus durable.

Source : SolarPower Europe : SolarPower Europe EU Market Outlook for Solar Power 2023-2027 (Perspectives du marché européen de l’énergie solaire 2023-2027)

Le cas de la Roumanie

Les 1 GW de capacité solaire nouvellement installée en Roumanie cette année représentent une augmentation de 308 % par rapport à la capacité ajoutée en 2022. La capacité solaire distribuée et utilitaire cumulée de la nation a dépassé 2,85 GW en 2023, produisant plus de 2,5 TWh, soit près de 5 % de la production globale d’électricité[2]

Des analyses sectorielles récentes révèlent un intérêt considérable des propriétaires roumains pour les maisons individuelles, plus de 50 % d’entre eux envisageant d’acquérir des systèmes photovoltaïques en 2023. Cette tendance se traduit par une multiplication par dix de la demande de panneaux photovoltaïques en 2022 par rapport à l’année précédente, s’alignant sur les initiatives européennes en matière d’énergie renouvelable et les incitations financières pour la transition verte[3]

Pour faciliter cette transition vers les énergies renouvelables, les Roumains ont accès à des financements via plusieurs programmes, notamment le Plan national de relance et de résilience, le Fonds de modernisation géré par le ministère de l’Énergie, et Repower EU géré par le ministère des Investissements et des Fonds européens[4] Parmi ceux-ci, le programme ” Green House ” a été particulièrement populaire, offrant des subventions substantielles pour l’installation de panneaux solaires. Malgré cette aide, de nombreux particuliers sont toujours confrontés à la nécessité d’effectuer des paiements initiaux complets, les projections des experts indiquant une période de retour sur investissement d’environ 4 à 5 ans.

Besoins réglementaires

George Niculescu, président de l’Autorité nationale de régulation de l’énergie (ANRE), a récemment plaidé en faveur d’une réglementation des installations de panneaux photovoltaïques par les prosommateurs, suggérant la nécessité de mettre en place des seuils basés sur les besoins de consommation individuels et les exigences locales. Cette proposition se justifie par la tendance croissante des prosommateurs à installer des panneaux photovoltaïques qui produisent plus d’électricité qu’ils n’en consomment, ce qui entraîne des déséquilibres potentiels dans le réseau électrique.

Alors que le rôle premier des prosommateurs est d’améliorer l’efficacité des systèmes énergétiques et de réduire les factures d’électricité et de gaz, en particulier en période de hausse des prix de l’énergie, certaines personnes ont utilisé les systèmes photovoltaïques pour générer des profits. La législation actuelle en matière d’énergie permet de réinjecter l’énergie excédentaire dans le réseau, les prosommateurs recevant une compensation pour chaque kilowattheure produit. Ce mécanisme a transformé la possession de panneaux solaires en une entreprise rentable pour certains.

Cependant, l’absence de limites réglementaires à la capacité de production et à l’installation pourrait poser des risques pour l’intégrité et l’efficacité du réseau électrique vieillissant, qui est déjà sous pression et attend d’être modernisé et investi, comme le prévoit le Plan national de relance et de résilience (PNRR). Les données de l’ANRE confirment que les prosommateurs sont légalement autorisés à vendre l’électricité excédentaire aux fournisseurs, à condition que la capacité du réseau le permette[5]. Ainsi, l’établissement de paramètres pour les installations photovoltaïques est considéré comme une étape cruciale pour maintenir la stabilité du réseau et garantir la réalisation du double objectif de l’efficacité énergétique et de la fiabilité du réseau. En ce sens, il existe des lois européennes qui doivent encore être transposées par la Roumanie.

Le pays est déjà sur la bonne voie en réduisant la bureaucratie et en simplifiant les procédures d’installation, ce qui indique non seulement l’intention d’encourager l’adoption de panneaux solaires, mais aussi la capacité d’écouter les besoins des citoyens et des entreprises. En juin 2023, par exemple, une nouvelle loi a été introduite à cet égard[6]

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Perspectives d’avenir : Financement européen et objectifs verts du pays

Le programme photovoltaïque de la maison verte, géré par l’administration roumaine du fonds environnemental (AFM), a été temporairement suspendu en septembre à la suite d’une décision judiciaire de la cour d’appel d’Oradea[7], après un litige impliquant une entreprise à qui l’on avait refusé l’autorisation d’installer des panneaux. Par conséquent, environ 90 000 participants au programme attendent l’installation de panneaux solaires sur leurs résidences. À la lumière de ces développements, le ministre de l’Environnement, Mircea Fechet, a assuré une extension de tous les délais pertinents afin de s’assurer qu’aucun participant ne perde son financement.

Dans le contexte plus large des énergies renouvelables en Roumanie, le pays exploite plus de 14 parcs éoliens importants et 21 parcs photovoltaïques. En particulier, un investissement privé substantiel est prévu pour établir le plus grand parc photovoltaïque d’Europe à Arad, avec une capacité de 1 000 mégawatts sur 100 hectares, ce qui témoigne de l’engagement de la Roumanie à développer son infrastructure d’énergie renouvelable.

La production actuelle des centrales éoliennes est d’environ 3 000 mégawatts par an, celle des centrales photovoltaïques d’environ 1 500 mégawatts et celle des sources hydroélectriques de plus de 6 000 mégawatts. Les projections de la Commission nationale de la stratégie et de la prévision suggèrent une augmentation annuelle moyenne substantielle de 18,9 % de la production d’électricité photovoltaïque entre 2024 et 2026[8]

Face aux défis du marché mondial de l’énergie, notamment ceux découlant de l’invasion russe de l’Ukraine, la Commission européenne a lancé le plan REPowerEU. Cette initiative vise à soutenir les économies d’énergie, la production d’énergie propre et la diversification de l’approvisionnement dans les États membres de l’UE. La Roumanie devrait bénéficier largement de REPowerEU, avec une allocation de 1,4 milliard d’euros pour accélérer la transition verte et encourager les investissements dans les énergies renouvelables. D’ici 2030, le pays aspire à produire 30 % de son électricité à partir de sources vertes[9]

Poursuivant ces objectifs, Bucarest a soumis à l’Union européenne un plan national révisé de redressement et de résilience, parallèlement au plan RePowerEU[10], décrivant des mesures globales comprenant l’achat de panneaux photovoltaïques, de batteries de stockage d’énergie et d’autres solutions énergétiques innovantes. Ces mesures soulignent l’approche stratégique de la Roumanie visant à renforcer son autonomie énergétique, à réduire sa consommation et à adopter un avenir énergétique durable.

Après le sommet COP28

La Roumanie s’est fixé l’objectif ambitieux d’installer plus de 8 gigawatts de capacité d’énergie solaire d’ici 2030, ce qui devrait représenter 24 % de sa consommation finale brute d’électricité à partir de sources renouvelables. Cet objectif a été annoncé par le président Klaus Iohannis lors de son discours au sommet COP28, qui coïncide avec l’adhésion de la Roumanie à l’Alliance solaire internationale.

Le président Iohannis s’est dit convaincu que l’adhésion à l’Alliance favoriserait une coopération plus large et plus approfondie avec l’Inde, où est basé le secrétariat de l’Alliance, ainsi qu’avec d’autres nations déterminées à accélérer les efforts d’atténuation du changement climatique. Il a souligné qu’une plus grande ambition en matière de climat va de pair avec de meilleures opportunités économiques et des avantages pour les citoyens, ce qui reflète une approche holistique de la lutte contre le changement climatique tout en promouvant le développement durable[11]: “D’ici 2030, la Roumanie vise à installer une capacité d’énergie solaire de plus de 8 gigawatts, ce qui représente 24 % de la consommation finale brute d’électricité produite à partir de sources renouvelables. L’engagement de la Roumanie à augmenter sa capacité d’énergie solaire installée est pleinement aligné sur la stratégie de l’UE en matière d’énergie solaire et contribuera à la mise en œuvre de l’accord de Paris.”

Étude de cas : Le projet de Timsoara

Timișoara, principale ville de la région ouest et centre administratif du département de Timiș, fait partie des municipalités qui mènent des projets d’énergie solaire à usage interne[12] La ville s’est lancée dans la construction d’une unité photovoltaïque de 5,6 MW, stratégiquement située près de la zone industrielle de Freidorf. Cette initiative fait partie de la stratégie plus large de Timișoara visant à adopter des sources d’énergie renouvelables et à réduire les niveaux de pollution. L’unité devrait produire environ 7,8 GWh par an.

Dominic Fritz, le maire de Timișoara, a expliqué que l’objectif de la ville était de compenser près des deux tiers de sa consommation d’électricité pour l’éclairage public grâce à ce parc solaire. La transition vers les énergies renouvelables est considérée comme une étape cruciale dans le parcours de Timișoara pour devenir une ville plus verte. L’installation photovoltaïque utilisera principalement des panneaux monocristallins, choisis pour leur efficacité dans les climats plus frais et plus nuageux.

La ville a également souligné que ce projet d’énergie solaire devrait bénéficier d’un financement de l’Union européenne, ce qui contribuera à la réalisation des objectifs plus larges que sont l’amélioration des transports publics électriques, l’amélioration de l’efficacité énergétique dans les institutions publiques et la modernisation du réseau de chauffage.

L’investissement total pour ce système photovoltaïque est estimé à 6,5 millions d’euros, taxe sur la valeur ajoutée incluse, avec un délai de construction stipulé de 12 mois après la délivrance du permis final. Ce projet reflète l’engagement de Timișoara en faveur des énergies renouvelables et du développement urbain durable, et la positionne au sein d’une cohorte croissante de municipalités roumaines à l’avant-garde de l’adoption de l’énergie solaire.

Références

  1. https://www.solarpowereurope.org/insights/outlooks/eu-market-outlook-for-solar-power-2023-2027 ↑

  2. https://www.solarpowereurope.org/insights/outlooks/eu-market-outlook-for-solar-power-2023-2027 ↑

  3. https://www.balcanicaucaso.org/eng/Areas/Romania/Romania-all-crazy-about-photovoltaics-227843 ↑

  4. https://economedia.ro/caciu-anunta-un-nou-program-din-2024-care-va-include-acordarea-de-vouchere-de-50-000-de-lei-pentru-achizitia-de-panouri-solare-si-pentru-stocarea-energiei-produse-din-repowereu.html ↑

  5. https://anre.ro/wp-content/uploads/2023/09/Situatia-privind-promovarea-energiei-electrice-produse-de-capacitati-electrice-din-surse-regenerabile-apartinand-prosumatorilor-la-data-de-31.07.2023.pdf ↑

  6. https://www.pv-magazine.com/2023/06/16/romania-removes-legal-barriers-to-development-of-large-scale-solar/ ↑

  7. https://seeenergy.news/romania-photovoltaics-are-growing-rapidly/ ↑

  8. https://www.balcanicaucaso.org/eng/Areas/Romania/Romania-all-crazy-about-photovoltaics-227843 ↑

  9. https://balkangreenenergynews.com/eu-approves-repowereu-green-energy-projects-submitted-by-greece-romania/ ↑

  10. https://commission.europa.eu/business-economy-euro/economic-recovery/recovery-and-resilience-facility/country-pages/romanias-recovery-and-resilience-plan_en ↑

  11. https://www.romania-insider.com/cop28-romania-president-solar-energy-2023 ↑

  12. https://balkangreenenergynews.com/city-of-timisoara-catches-romanias-solar-wave-with-own-utility-scale-project/ ↑

B.F.G. Fabrègue

Brian F. G. Fabrègue est doctorant en droit financier à l'Université de Zurich et travaille actuellement en tant que directeur juridique pour une société fintech suisse. Ses principaux domaines d'expertise juridique sont la fiscalité internationale, la réglementation financière et le droit des sociétés. Il est également titulaire d'un MBA, grâce auquel il s'est spécialisé dans les statistiques et l'économétrie. Ses recherches portent principalement sur le développement intelligent et l'ont amené à analyser l'enchevêtrement entre la technologie et le droit, en particulier du point de vue de la confidentialité des données, à comprendre les cadres juridiques et les politiques qui régissent l'utilisation de la technologie dans la planification urbaine.

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